Dix ans après l’émergence des premières start-up assurantielles en France, le secteur des assurtechs s’est transformé. La promesse initiale de révolutionner l’assurance semble s’être muée en une quête de maturité. Cela inclut la conquête réglementaire, l’innovation technologique, et la quête de rentabilité. Voici un état des lieux de cet écosystème en pleine évolution.
La naissance des assurtechs françaises : un essor porté par Alan
L’assurtech a fait son apparition en France avec l’arrivée d’Alan en 2016, acteur précurseur du secteur. Issu de modèles disruptifs en assurance B2C, Alan a bousculé les pratiques consolidées des entreprises historiques grâce à son agrément d’assureur. Depuis, d’autres comme Acheel, Seyna, ou encore Descartes Insurance ont rejoint cette catégorie appelée « néoassureurs ».
Un démarrage sous contraintes réglementaires
« Devenir immédiatement une compagnie d’assurance impose un travail réglementaire important face à l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) », rappelle Stephen Leguillon, directeur général de Seyna. Et pour cause : sur les dix dernières années, seuls six néoassureurs ont réussi à obtenir cet agrément en France.
Quelques chiffres clés marquant cette décennie :
- 2,5 milliards d’euros : Total des fonds levés par les assurtech françaises depuis 2016, avec un record annuel établi en 2021 (627 M€).
- 35 % : Proportion des financements mondiaux en assurtech dédiés à l’IA en 2024.
- 6 néoassureurs : Acteurs agréés par l’ACPR, dont Alan, Seyna, et Acheel.
Le défi de l’expérience client : la promesse des assurtechs
« Aux débuts de l’assurtech française, beaucoup de start-up se sont concentrées sur un objectif. Elles voulaient optimiser la distribution des produits d’assurance », explique Kevin Dedieu, cofondateur de Descartes Underwriting. Si les attentes étaient nombreuses sur ce segment, certaines fausses bonnes idées ont émergé. Cela s’est passé dans un contexte où les produits d’assurance, peu fréquemment souscrits, limitaient les opportunités de valorisation.
Des pionniers comme Akur8 (spécialiste de la tarification) ou Shift Technology (lutte contre la fraude) ont su tirer leur épingle du jeu. Ils se sont positionnés sur des niches spécifiques. Cela reflète une tendance forte. Les start-up ayant focalisé leur innovation sur des « briques » précises de la chaîne de valeur, comme l’intelligence artificielle (IA) ou les risques émergents, gagnent aujourd’hui en pertinence.
Intelligence artificielle : Une avancée majeure pour l’assurtech
Depuis l’essor des solutions d’intelligence artificielle (IA) générative dès 2022, des acteurs comme Zelros et Continuity se sont démarqués. Cependant, « l’IA ne comble pas tous les défis de l’assurtech. Ce sont les start-up qui facilitent une étape cruciale de la chaîne de valeur qui s’imposent », note Nicolas Aurick, DG de French Assurtech (Découvrir French Assurtech).
Une quête inédite de rentabilité
Dix ans après son lancement, le bilan financier d’Alan reste observé de près. Avec 1 € de pertes pour chaque 6 € de chiffre d’affaires en 2024, la rentabilité paraît encore hors d’atteinte. Mais, comme le souligne Stephen Leguillon, le long terme reste la clé dans l’assurance. « Une croissance financée intelligemment dès la création des start-up permet de tenir dans la durée ».
Certaines jeunes pousses n’ont toutefois pas résisté. Par exemple, Qiti ou DreamQuark. Elles ont été contraintes de fermer par manque de fonds. Pour autant, la plupart des assurtech émergentes parviennent à maintenir leur activité. Cela est dû à des modèles ajustés et un soutien accru des investisseurs.
Un avenir prometteur sur les risques émergents
Les assurtechs françaises se démarquent aussi par leur capacité à s’aligner sur les grands enjeux de demain :
- Climat, cyber ou démographie : Ces défis existentiels attirent des investissements de long terme, souvent portés par des réassureurs, qui favorisent des projets à forte composante R&D.
- Marchés émergents : Des entreprises comme Descartes Underwriting (risques émergents) ou Shift Technology démontrent le potentiel des solutions assurantielles innovantes à l’échelle internationale.
Assurtech : un écosystème qui gagne en maturité
Dix ans après l’apparition des assurtechs, la solidité des modèles économiques varie, mais une constante ressort. Les acteurs positionnés sur des niches spécifiques, alliant innovation technologique et optimisation de la chaîne de valeur, affichent des perspectives prometteuses. La quête ininterrompue d’une rentabilité durable reste cependant le défi majeur des néoassureurs et autres startups assurantielles.