L’assurance-vie et la retraite supplémentaire attirent toujours autant les assureurs. Ces derniers se battent pour conclure des acquisitions stratégiques sur ce marché en pleine croissance. Pourtant, les fonds d’investissement se montrent prudents face aux risques que ces acquisitions peuvent entraîner.
1. Le deal phare : Matmut acquiert HSBC Épargne et Prévoyance pour 925 M€
Dernier exemple marquant de cette tendance, la vente des activités épargne et prévoyance de HSBC France. Finalisée en décembre 2024 et attendue au second semestre 2025, cette opération a vu de nombreux prétendants entrer dans la course, tels que BPCE, BNP Paribas, Malakoff Humanis, Groupe Vyv, Groupama, ou encore le fonds d’investissement Cerberus.
Finalement, c’est Matmut qui s’est imposée, acquérant l’entité pour 925 millions d’euros. Ce rachat représente un sérieux virage pour le mutualiste, en quête d’un équilibre entre activités vie et non-vie.
2. Les atouts du marché de l’épargne
Le secteur de l’épargne est plébiscité pour ses atouts structurels et conjoncturels.
Atouts stratégiques :
- Une croissance modérée mais continue.
- Revenus récurrents, peu soumis à volatilité.
- Opportunité de diversification avec des unités de compte, profitant de la hausse des taux d’intérêt.
- Débats actuels sur la retraite par capitalisation, rendant le secteur prometteur.
Selon Guillaume Roux, directeur assurance au cabinet Oliver Wyman :
« Le secteur de l’épargne combine stabilité et attractivité, ce qui en fait une cible de choix pour les assureurs cherchant à équilibrer leurs portefeuilles. »
L’avis d’un expert :
Pierre Albouy, banquier d’affaires chez Nemrod Partenaires, ajoute :
« L’épargne permet d’exploiter des synergies avec des revenus récurrents et une montée en puissance des investissements en unités de compte. Ce marché reste compétitif, mais moins risqué que d’autres segments. »
3. Les freins pour certains acteurs, notamment les fonds d’investissement
Malgré ses nombreuses opportunités, le marché de l’épargne est loin de séduire tout le monde.
Freins principaux :
- Régulation stricte : Les exigences liées à Solvabilité 2 augmentent les besoins en fonds propres, limitant ainsi l’appétence des fonds d’investissements.
- Le précédent Eurovita : La faillite d’Eurovita en 2023 a laissé une empreinte durable, refroidissant l’intérêt des fonds. Les investisseurs privés, comme Cinven, ont dû recapitaliser lourdement, créant un précédent désavantageux.
Le cas Eurovita en chiffres :
- Déficit de capital : 400 M€
- Injection initiale par le fonds Cinven : 100 M€
- Mobilisation totale des parties impliquées : 500 M€
Les fonds préfèrent la distribution à l’épargne :
Selon Guillaume Roux :
« Les acteurs du private equity privilégient la distribution d’assurance, où les investissements sont moins risqués et permettent d’obtenir un retour sur investissement plus rapide. »
4. Raisons de l’engouement des industriels pour l’épargne
Les assureurs industriels comme Axa, BNP Paribas Cardif ou encore Matmut exploitent le potentiel unique du marché pour compléter leur portefeuille de diversification.
Principaux avantages pour les industriels :
- Réalisation de synergies dans la gestion d’actifs.
- Réduction des coûts grâce à une meilleure gestion réglementaire.
- Amélioration de l’équilibre entre les activités vie et non-vie.
Un exemple pertinent est l’acquisition par Axa de XL, qui leur a permis d’améliorer leur profil de risques financiers en complément des risques assurantiels.
5. Une dynamique importante, mais des cibles de plus en plus rares
Malgré un dynamisme notable, les opportunités de rachats diminuent. Comme le souligne Viviane Leflaive, associée assurance chez KPMG France :
« Les cibles devenant rares, le marché des acquisitions s’est légèrement rééquilibré, bien qu’il existe encore de belles opportunités. »
Adoptant une vision similaire, Arthur Chabrol d’Oliver Wyman précise :
« Le rythme des fusions-acquisitions en épargne reste élevé, mais il ne pourra rivaliser avec celui observé sur le segment de la distribution d’assurance. »
Principaux deals récents :
Année | Acquéreur | Cible | Montant (€) |
---|---|---|---|
2021 | Aéma | Aviva France | 3,2 Md€ |
2023 | Carac | Ageas France | Estimé < 200 M€ |
2024 | BNP Paribas Cardif | Neuflize Vie | Non dévoilé |
2025 | Matmut | Épargne et prévoyance (HSBC France) | 925 M€ |
Conclusion : des transactions raisonnées et stratégiques
Le marché des fusions-acquisitions en épargne continue d’attirer les assureurs grâce aux atouts structurels du secteur et à ses revenus récurrents. Cependant, les contraintes réglementaires et la prudence des investisseurs limitent la participation des fonds d’investissement. À mesure que les cibles se raréfient, chaque acquisition se révélera de plus en plus stratégique pour les entreprises impliquées.