Depuis quelques années, la scène diplomatique tunisienne opère un tournant inattendu, marquant un rapprochement Tunisie Iran qui suscite autant d’interrogations que d’inquiétudes. Par des gestes symboliques tels que la suppression des visas pour les Iraniens et l’établissement d’une ligne aérienne, le président tunisien, Kaïs Saïed, semble se diriger vers une amitié avec Téhéran. Cependant, cette nouvelle alliance, alors que Tunis est traditionnellement un allié de Washington, pourrait bien créer des frictions sur la scène internationale. L’article qui suit explorera les implications et risques de ce rapprochement audacieux.
Une dynamique diplomatique en plein essor
Depuis mars 2024, lorsque Kaïs Saïed a rencontré Ebrahim Raïssi à Alger, des événements significatifs ont jalonné les relations entre la Tunisie et l’Iran. Ces rencontres officielles, assorties de promesses de coopération et d’échanges, illustrent une stratégie de rapprochement bien orchestrée, même si les intérêts économiques ne sont pas au rendez-vous. Le décès de Raïssi en mai 2024 a marqué un tournant supplémentaire, avec une visite historique de Saïed à Téhéran, où il a été reçu par le guide suprême Ali Khamenei, une première dans l’histoire récente des relations tuniso-iraniennes.
Les gestes symboliques continuent de s’accumuler, comme des appels ministériels enflammés et une semaine culturelle tuniso-iranienne à Ennejma Ezzahra. La suppression des visas pour les ressortissants iraniens et l’annonce de vols directs entre les deux nations font croire à une dynamique prometteuse. Pourtant, derrière ces annonces se cache une réalité économique moins reluisante, avec des échanges quasi inexistants entre les deux pays.
Un risque de dépendance diplomatique
Le risque le plus inquiétant pour la Tunisie est la dépendance diplomatique vis-à-vis d’un État paria tel que l’Iran. Les États-Unis, un partenaire historique de Tunisie, surveillent de près ces évolutions. La tasse de l’amitié tunisienne pour Téhéran pourrait être perçue comme une trahison de l’alliance occidentale. Des voix politiques, comme celle du député Joe Wilson, ont déjà mis en garde contre une perte de soutien militaire américain à la Tunisie.
À l’intérieur même du pays, des tensions émergent, touchant des sensibilités identitaires et religieuses. Historiquement majoritairement sunnite, la Tunisie perçoit l’Iran chiite avec méfiance. Cette situation risque de provoquer des fractures sociales et de remettre en question les avancées progressistes du pays, particulièrement sur les droits des femmes. La mobilisation sociale contre cette politique de rapprochement témoigne des préoccupations croissantes face à une possible influence idéologique iranienne.
Une impression de partenariat dynamique ?
Bien que les annonces récentes donnent l’illusion d’un partenariat en pleine expansion, la réalité des échanges économiques entre la Tunisie et l’Iran demeure alarmante. Aucun chiffre concret n’appuie cette ouverture des liaisons aériennes, et l’incertitude persiste quant aux bénéfices touristiques. L’absence d’une étude de faisabilité sur cette ligne aérienne soulève des questions sur sa rentabilité potentielle, d’autant plus que Tunisair est déjà confrontée à de graves problèmes financiers et opérationnels.
Le climat politique et les risques sécuritaires en Iran pourraient également dissuader les Tunisiens de voyager dans ce pays. Des promesses d’échanges scientifiques ou économiques apparaissent plus comme un affichage politique que comme un plan viable, accentuant les doutes sur la profondeur de ce rapprochement.
Un appel à la réflexion sur l’avenir de la Tunisie
Face à ces tensions, la classe politique tunisienne semble lâchement silencieuse. Le risque d’isolement diplomatique se pose de manière pressante, alors que la recherche de nouvelles alliances avec des régimes autoritaires pourrait affaiblir les partenariats traditionnels avec l’Europe et les États-Unis. La coopération sécuritaire et économique maintenue avec ces acteurs est cruciale pour la Tunisie.
Au fond, le rapprochement Tunisie Iran représente un pari risqué qui pourrait entraîner des conséquences bien plus graves que quelques vols directs. En choisissant de se rapprocher d’un régime contesté, Kaïs Saïed joue une partie complexe sur l’échiquier international, risquant de perdre des alliés stratégiques tout en inscrivant son pays dans une trajectoire incertaine.
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