Qui aura l’impression de se faire rouler dans la farine ? La profession des boulangers se divise sur l’obligation de fermer une journée par semaine. Cette obligation, temporairement levée pendant la crise du Covid, a été mise en place massivement dans les années 1990 et n’a jamais été supprimée à l’échelle nationale depuis. Cette année, plusieurs départements français ont fait évoluer leur pratique, la plupart du temps à la suite d’actions en justice de la Fédération des entreprises de boulangerie (Feb) comme le Morbihan en Bretagne ou le Gers en Occitanie. Mais l’ensemble de la profession n’est toutefois pas sur la même longueur d’onde.
Les enjeux de la journée de fermeture des boulangers
Le dernier épisode en date de cette bataille politique et juridique s’est déroulé à Poitiers le 21 octobre, où le tribunal administratif a rejeté la tentative de lever l’arrêté préfectoral pour la Vienne, la Charente et les Deux-Sèvres. « Nous défendons le droit d’entreprendre et voulons retirer cette règle absurde qui interdit aux boulangers de travailler à leur guise », explique à l’AFP Paul Boivin, directeur général de la Feb, association regroupant des chaînes comme Paul, La Mie Caline ou Ange.
« Les petits artisans ne pourront pas lutter contre les chaînes qui ont les effectifs nécessaires pour ouvrir sept jours sur sept », proteste de son côté Emmanuel Gripon, président de la fédération de la Boulangerie-Pâtisserie française des Deux-Sèvres. Lui-même boulanger, il estime que la disparition de la réglementation « va pénaliser les commerces de proximité, notamment dans les centres-villes », en opposition aux franchises, souvent présentes sur les ronds-points à la sortie des bourgades.
« Avec le recul, nous n’avons pas remarqué de fermetures massives » d’artisans boulangers « dans les départements concernés » se défend Paul Boivin qui fustige « un combat d’arrière-garde ». Selon les données de la Feb, à ce stade, la fermeture hebdomadaire obligatoire n’est plus en vigueur dans 54 départements où vivent 61 % des Français de métropole.
Adaptation aux réalités du marché
Interpellé en février sur la question, le gouvernement Bayrou avait estimé que « les arrêtés de fermeture constituaient un outil de régulation de la concurrence entre grandes surfaces commerciales et petits commerces artisanaux ». Les autorités ont défendu le système actuel qui enjoint aux préfectures de s’assurer que la majorité des vendeurs de pain soutiennent l’arrêté. Mais la Feb prétend que ce consensus n’existe plus toujours et conteste régulièrement en justice les modalités des consultations menées à ce sujet par les préfectures.
Une simple visite sur Internet permet de confirmer que plusieurs chaînes, pourtant situées hors des zones d’exception réservées aux quartiers touristiques, affichent des horaires sans fermeture. Les contrôles sont souvent issus de l’action d’autres boulangers. « Quand on nous signale une boulangerie qui ouvre en continu, on va discuter avec le gérant. S’il n’y a pas de changement, on l’attaque en justice. Mais ça prend du temps », explique Emmanuel Gripon.
Le défi logistique d’une ouverture continue
« Passer à sept jours sur sept cela représente un défi logistique pour nous », calcule Leïla, vendeuse d’une boulangerie de l’est parisien, qui fait partie des territoires où la Feb veut faire lever l’arrêté. Cette employée d’un établissement qui en compte sept regrette que d’autres boutiques du quartier « ne jouent pas le jeu ».
« Plus bas dans la rue, un confrère a commencé à ouvrir sur son jour de fermeture. Avant il avait plus de monde quand on fermait et vice-versa, mais maintenant ça ne va plus que dans un sens », déplore Leïla.
Un futur incertain pour les boulangers
La régulation du marché et la nécessité d’une journée de fermeture boulangers soulèvent des interrogations conséquentes. Les chalands se rendent-ils compte que cette obligation, bien qu’ancienne, pourrait jouer un rôle majeur dans le maintien des artisans boulangers ? Les attentes des consommateurs évoluent, et nombre d’entre eux semblent désirer une accessibilité accrue.
À découvrir :
Les artisans boulangers doivent donc naviguer entre traditions et attentes contemporaines. C’est un équilibre délicat et les décisions en matière de régulations seront déterminantes pour leur avenir.