Près de deux ans après l’explosion ayant causé l’effondrement de plusieurs immeubles rue de Tivoli à Marseille, de nombreux sinistrés dénoncent le manque de soutien des assureurs et les limites de leurs contrats.
L’effondrement tragique de la rue de Tivoli
Dans la nuit du 8 au 9 avril 2023, une explosion de gaz a dévasté plusieurs immeubles de la rue de Tivoli, en plein cœur de Marseille. Le drame a causé la mort de huit personnes et laissé près de 200 habitants sans logement. « Fantôme », ainsi Johanne Raimbault décrit aujourd’hui son quartier vidé de vie.
Parmi les conséquences, deux bâtiments entiers se sont effondrés, tandis qu’une vingtaine d’autres immeubles subissaient des dégâts majeurs. Si, en juin 2024, Johanne et son mari Jean-Pierre Giusiano ont pu regagner leur appartement, beaucoup d’autres attendent encore. Face à cette situation, un collectif, Tivoli 9 avril, s’est mobilisé pour réclamer un accord-cadre d’indemnisation, comme celui établi après l’explosion de la rue de Trévise à Paris en janvier 2019.
Cependant, les avancées restent timides. Selon des coordonnateurs nommés par l’État, seuls 17 sinistrés ont participé à l’estimation de leur reste à charge, alors qu’il en faudrait deux fois plus pour accélérer les procédures. Cette faible mobilisation reflète un profond découragement face à des démarches complexes et perçues comme insuffisantes.
Des indemnisations partielles et insuffisantes
Johanne Raimbault et son mari ont reçu certaines indemnisations de leur assurance habitation Maif. Celles-ci incluent leur relogement pendant plus d’un an, des remboursements pour des denrées perdues et leur camion professionnel détruit. Pourtant, ils dénoncent des estimations sous-évaluées. « Entre les frais de psychiatrie et les honoraires d’avocats non couverts, il nous manque plusieurs milliers d’euros », déplore Johanne.
En tant que copropriétaires, le couple devra également contribuer à hauteur de 10 000 € pour des travaux non couverts par Allianz, l’assureur de l’immeuble. De plus, leur prime d’assurance multirisque a bondi de 50 % et celle de leur habitation de 14 %.
Ce sentiment de désillusion est partagé par une locataire du 19, rue de Tivoli, qui n’a toujours pas pu regagner son logement. Après des indemnisations initiales pour nettoyer quelques vêtements et vider son appartement, elle a dû affronter des démarches supplémentaires. « Ils insistent pour avoir des factures et des photos… mais beaucoup ont été détruites », témoigne-t-elle. Son contrat, limité à 18 000 €, couvre à peine ses pertes, qu’elle estime à 20 000 €.
Les limites des contrats d’assurance
Pour Roland Bellessa, ancien habitant de 130 m² au 15 Tivoli, les pertes dépassent largement les plafonds de son contrat. « J’ai perdu des meubles de famille dont je ne connais même pas la valeur », regrette-t-il. Son cas illustre le manque d’adaptabilité des formules d’assurance face à des événements exceptionnels. Par ailleurs, il raconte avec amertume avoir dû payer une franchise pour ses clés de voiture restées dans les décombres, malgré une couverture auto et habitation auprès de la Maif.
Ces expériences traduisent une frustration récurrente chez les sinistrés. Malgré des heures passées à décortiquer leurs contrats, ils ont souvent du mal à comprendre les décisions de leurs assureurs. Ce flou accentue le sentiment d’abandon dont beaucoup témoignent.
Une enquête encore en cours
L’enquête judiciaire pour déterminer la responsabilité de cette explosion tragique reste en cours. Selon France Assureurs, les assureurs ont fait preuve de flexibilité en couvrant des frais exceptionnels, notamment pour le relogement des familles. Cependant, l’organisme alerte sur la nécessité d’accélérer le processus judiciaire afin d’identifier et de sanctionner les responsables.
Des retours d’expérience, notamment celui de l’explosion de la rue de Trévise, montrent que les accords-cadres peuvent parfois décevoir les victimes. Ils nécessitent des justificatifs précis et ne couvrent pas toujours l’ensemble des pertes, comme l’ont expliqué des reportages dédiés dans Les Échos. Ces démarches allongent les délais d’indemnisation, aggravant l’insatisfaction des sinistrés.
La lutte pour une indemnisation plus juste
Malgré les réponses des assureurs, de nombreux sinistrés estiment que leur situation mérite plus d’attention. Pour les experts, ces drames mettent en lumière les limites des contrats standards d’assurance habitation. Des points clés, comme les plafonds de couverture ou la prise en charge des frais annexes, sont souvent insuffisants lors de catastrophes d’une telle ampleur.
Par ailleurs, face à la hausse des primes annuelle, certains victimes se retrouvent dans des situations économiquement insoutenables. Adopter de meilleures garanties et anticiper les événements imprévus devient essentiel pour éviter que des victimes ne soient laissées sans soutien. Des associations locales, telles que France Victimes, proposent un accompagnement aux familles en difficulté pour mieux comprendre leurs droits.
Conseils pour se protéger avec son assurance habitation
Ces événements illustrent l’importance de vérifier avec soin les garanties de son contrat d’assurance habitation. Voici quelques recommandations :
- Augmenter les plafonds de couverture si nécessaire : Des contrats adaptés peuvent offrir une meilleure prise en charge face à des pertes importantes.
- Conserver une trace de vos biens : Gardez des photos ou des inventaires numériques de vos biens précieux sur un disque dur externe ou dans un cloud sécurisé.
- Souscrire des garanties annexes : Certaines clauses, comme la prise en charge des frais auxiliaires (frais juridiques, relogement prolongé), peuvent s’avérer indispensables.
- Faire appel à des associations spécialisées : Des organismes comme France Victimes ou des experts en assurance peuvent vous aider lors d’une catastrophe.
Pour aller plus loin, des ressources détaillant les meilleures pratiques d’assurance habitation sont disponibles sur le site de Maison & Travaux ou via les analyses de France Assureurs.
Conclusion
Près de deux ans après l’explosion de la rue de Tivoli, les sinistrés continuent de se battre pour une indemnisation à la hauteur de leurs pertes. Entre démarches administratives complexes et réponses parfois limitées des assurances, le chemin pour tourner la page reste long.
Ces événements soulignent la nécessité d’améliorer les mécanismes d’assurance en cas de catastrophe majeure, notamment en termes de flexibilité et d’accompagnement. Une réforme des garanties pourrait éviter à de futurs sinistrés de revivre le même sentiment d’abandon.