Chaque année, de nombreux Français s’acquittent de frais de santé qui ne figurent pas dans les rapports officiels. En moyenne, ces restes à charge invisibles atteignent 1 557 € par assuré et par an. Ce phénomène, souvent absent des statistiques, représente un enjeu majeur pour la santé publique et le budget des ménages.
Dépenses de santé non remboursées mais nécessaires
Certains soins, bien que fondamentaux pour le bien-être des patients, restent exclus du remboursement par l’Assurance Maladie. Ils sont parfois à tort considérés comme du confort. Pourtant, leur impact sur la qualité de vie est réel et reconnu par les professionnels de santé.
Le récent vote à l’Assemblée nationale du 28 janvier 2025 en atteste : les députés ont soutenu à l’unanimité une loi pour la prise en charge intégrale de plusieurs soins destinés aux femmes touchées par un cancer du sein, parmi lesquels on retrouve le renouvellement des prothèses mammaires, les perruques ou encore les soutiens-gorge adaptés post-opératoires. Jusqu’alors, ces frais pesaient lourd sur le budget des patientes.
Prenons un exemple concret : le vernis au silicium, recommandé pour limiter les effets secondaires de la chimiothérapie, coûte entre 25 et 35 € par mois (produit protecteur, vernis foncé, crème dissolvante). Sur la durée d’un traitement, la facture s’alourdit considérablement. Désormais, l’Assurance Maladie s’engage à prendre en charge ces soins.
Les restes à charge invisibles : un coût annuel élevé
Selon une étude menée par France Assos Santé fin 2024, les restes à charge invisibles s’élèvent en moyenne à 1 557 € par an et par patient. Ce montant peut grimper jusqu’à 8 200 € pour les 10 % de personnes les plus exposées. Ces chiffres dépassent largement le reste à charge moyen visible, estimé à 274 € par an, selon la Drees.
Cette différence s’explique par le champ d’analyse limité des statistiques officielles qui ne tiennent compte que des soins strictement codifiés (consultations, médicaments, hospitalisations, analyses, imagerie médicale, soins d’optique, dentaires et audiologiques).
Les restes à charge invisibles intègrent pourtant :
- Les médecines complémentaires (ostéopathie, acupuncture…)
- L’alimentation thérapeutique (compléments nutritionnels)
- Les frais de transport
- L’aménagement du domicile ou du véhicule
- Les soins de santé mentale non couverts
- Les accessoires médicaux spécifiques (gants, pansements, produits désinfectants…)
Au total, en additionnant les dépenses visibles et invisibles, la facture annuelle peut atteindre 1 831 €. À titre de comparaison, le Smic brut s’établit à 1 801,80 € en 2025.
Les populations les plus exposées aux restes à charge invisibles
Les patients atteints d’affections longue durée (ALD) ou de maladies chroniques subissent particulièrement ces dépenses. Pour une personne souffrant de douleurs chroniques, les restes à charge invisibles atteignent en moyenne 1 972 € par an. Les femmes confrontées à l’endométriose supportent 149,61 € de frais annuels principalement pour des traitements complémentaires comme la naturopathie, souvent sans aucun remboursement.
Les foyers modestes sont également en première ligne. Plus de 53 % des personnes interrogées renoncent à certains soins en raison de leur coût. Chez les malades du cancer, 17 % signalent des difficultés financières pour accéder aux soins nécessaires.
Même pour ceux bénéficiant d’une prise en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, le remboursement reste limité aux tarifs conventionnés. Tout dépassement et toute dépense hors nomenclature demeurent à la charge du patient. Les frais non listés, comme certaines thérapies ou dispositifs, sont rarement pris en compte.
Comment réduire l’impact des restes à charge invisibles ?
Les étudiants, les seniors et les travailleurs non salariés sont moins bien protégés que les salariés bénéficiant d’une complémentaire santé financée par l’employeur. Le coût des mutuelles individuelles augmente d’au moins 3 % chaque année, parfois jusqu’à 10 % comme en 2024. À cette dépense s’ajoutent les restes à charge visibles et invisibles.
Pour limiter ces frais, plusieurs solutions existent :
Suivre le parcours de soins coordonnés
La consultation d’un spécialiste via le médecin traitant permet d’optimiser les remboursements. Cela s’applique aux soins courants, mais aussi à certaines prestations spécialisées.
Profiter du dispositif 100 % santé
Depuis 2021, ce dispositif supprime le reste à charge sur une sélection de soins en optique (lunettes, verres, montures), dentaire (prothèses, couronnes, bridges, dentiers) et audiologie (appareils auditifs), après intervention de l’Assurance Maladie et de la complémentaire santé responsable. Cependant, il ne couvre pas les frais annexes comme les piles des aides auditives.
Accéder à la Complémentaire Santé Solidaire
La Complémentaire Santé Solidaire (CSS ou C2S), gratuite ou à faible coût pour les personnes à revenus modestes, ne couvre pas tous les soins. Les médecines alternatives, la psychothérapie non conventionnée ou certains dispositifs restent exclus. Pourtant, 44 % des personnes éligibles à la CSS n’en font pas la demande, souvent par manque d’information.
Pour explorer les solutions de couverture santé adaptées, consultez le guide complet sur les différentes mutuelles santé et leurs garanties.
Envisager une surcomplémentaire santé
Pour les indépendants, retraités ou salariés peu couverts, choisir une surcomplémentaire peut optimiser la prise en charge des dépenses non remboursées. Par exemple, pour l’ostéopathie, certains contrats proposent un forfait annuel entre 200 et 500 €, ou le remboursement de 3 à 10 séances par an à hauteur de 15 à 50 € chacune. La psychologie, l’acupuncture ou la diététique sont également partiellement remboursées selon les offres. En contrepartie, la cotisation mensuelle peut dépasser 100 € pour une formule complète. Le coût moyen d’une mutuelle santé s’établissait à 128 € par mois en 2024, passant à 135 € en 2025.
Aides ponctuelles et dispositifs complémentaires
Des aides exceptionnelles existent. Les caisses primaires d’assurance maladie, la MSA, ou certaines associations de patients offrent un soutien financier pour :
- L’achat de matériel médical
- Le financement de séances avec un psychologue ou un ergothérapeute
- Les frais d’aide-ménagère liés à la maladie
- L’aménagement du domicile pour les personnes en dialyse
Chaque aide dépend de la situation médicale et des ressources du foyer.
Pour plus de détails sur l’obtention d’aides financières, la page dédiée à l’aide à la complémentaire santé présente les démarches.
Vers une meilleure reconnaissance des restes à charge invisibles
L’adoption de la loi en janvier 2025 pour les soins liés au cancer du sein marque un progrès dans la prise en charge des besoins réels des patients. Il devient urgent d’intégrer pleinement ces dépenses dans les politiques publiques pour éviter le renoncement aux soins.
Les complémentaires santé sont également invitées à élargir leurs garanties, notamment en santé mentale et bien-être, secteurs souvent laissés de côté.
Points essentiels à retenir
- Les restes à charge invisibles pèsent 1 557 € par an en moyenne, dépassant largement les chiffres des rapports officiels.
- Ils concernent notamment l’ostéopathie, les compléments alimentaires, l’aménagement du domicile et les thérapies psychocorporelles.
- Plus de la moitié des patients renoncent à ces soins, compromettant leur santé et leur qualité de vie.
- Des dispositifs existent : 100 % santé, CSS, surcomplémentaires, aides ponctuelles, mais leur accès nécessite une meilleure information.
- L’évolution du cadre réglementaire et des offres de complémentaires est indispensable pour une couverture plus équitable.
Pour approfondir la question, consultez l’analyse complète sur les inégalités de dépenses de santé.
Enfin, la reconnaissance et la prise en compte des restes à charge invisibles s’imposent pour garantir un accès effectif et équitable aux soins, indépendamment du niveau de revenu. Pour obtenir des informations complémentaires et des conseils personnalisés, des ressources fiables sont accessibles sur le site du Ministère de la Santé.