Dans une époque où l’incertitude politique et économique prédomine, novembre devait symboliser l’espoir renouvelé. À travers la France, des milliers d’initiatives mettent en lumière le mois de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Les associations, coopératives et entreprises sociales ouvrent grand leurs portes, démontrant qu’une économie axée sur le lien, la durabilité et la démocratie est non seulement possible, mais nécessaire. Pourtant, ce maillage vivant qui irrigue nos territoires est plus menacé que jamais.
Reconnaître enfin la valeur de l’Économie Sociale et Solidaire
Alors que les acteurs de terrain travaillent sans relâche pour innover et soutenir leurs communautés, le gouvernement opère des coupures budgétaires. Après un budget 2025 déjà drastique, le projet de loi de finances pour 2026 s’inscrit dans une logique d’érosion de l’Économie Sociale et Solidaire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le budget alloué par Bercy à l’ESS a diminué de 54 %, passant de 26,7 millions d’euros à 12,3 millions. De plus, les fonds destinés à la jeunesse, au sport, à la vie associative et aux programmes d’insertion par l’activité économique ont été réduits, affaiblissant ainsi les fondations de notre cohésion sociale.
Les conséquences sont bien réelles. En 2025, le secteur a été confronté à des structures associatives en cessation de paiement, à la fermeture de services de proximité et à l’épuisement de nombreuses initiatives locales à cause d’un manque de financements. Les coupes budgétaires des collectivités territoriales, se chiffrant entre 5 et 7 milliards d’euros, aggravent la situation, car ce sont précisément ces collectivités qui soutiennent les initiatives de l’ESS qui apportent une valeur ajoutée dans leurs territoires. C’est un effet domino qui déstabilise l’écosystème local, une fois encore aux dépens des plus vulnérables.
L’Économie Sociale et Solidaire représente plus de 200 000 entreprises et structures qui emploient 2,7 millions de personnes, soit près de 14 % des emplois privés. Elle génère près de 10 % du PIB, tout en plaçant l’humain au cœur de son projet économique. Depuis la loi Hamon de 2014, l’ESS s’est affirmée comme le pilier du modèle français. Face aux crises sociales, écologiques et démocratiques que nous traversons, les entreprises de ce secteur allient efficacité économique, utilité sociale et gouvernance démocratique à travers des solutions concrètes comme l’emploi local non délocalisable, le recyclage ou encore l’inclusion.
Un financement à la hauteur de l’impact
Il est impératif de changer de cap : l’Économie Sociale et Solidaire n’a pas besoin de compassion, mais de reconnaissance et de moyens adéquats. L’État a récemment ouvert une Conférence des financeurs de l’ESS, et nous sommes prêts à nous mobiliser ensemble pour faire avancer cette cause.
Des solutions existent déjà. Des groupes comme le nôtre mettent en place des initiatives pour colmater les « trous dans la raquette » du financement et de l’accompagnement des projets d’ESS. Cependant, nous devons aller au-delà de cette approche ponctuelle. En effet, 96 % des acteurs de l’ESS, selon la Cour des comptes, ne reçoivent aucune subvention publique. Les capitaux privés ne peuvent pas être la seule réponse aux défis de développement et d’accompagnement de ces structures.
Nous tenons également à soutenir, aux côtés de l’État, les Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS) pour qu’elles puissent exercer pleinement leurs missions d’accueil, d’information et d’orientation au service du développement de l’ESS. L’État pourrait également rendre les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) éligibles au mécénat, et reconnaître leurs contributions au développement des filières de l’ESS.
Il ne faut pas opposer financement privé et financement public pour l’ESS. Au contraire, c’est en redéfinissant le lien entre le public et le privé, ainsi qu’entre les entreprises « traditionnelles » et celles de l’ESS, que nous pourrons continuer à développer ensemble ce pôle vertueux de notre économie, engagé pour le service public.
L’Économie Sociale et Solidaire n’est pas une charge, mais un investissement social rentable, un amortisseur de crise, un levier de relance. En amputant ses ressources, c’est l’avenir de notre économie que nous mettons en péril. Il est grand temps d’inverser la tendance ; nous avons les moyens d’y parvenir, individuellement et collectivement. Nos choix auront du sens.
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